NERVEUX (SYSTÈME) - Physiologie générale

NERVEUX (SYSTÈME) - Physiologie générale
NERVEUX (SYSTÈME) - Physiologie générale

Au plus bas de l’échelle animale (Spongiaires, Cœlentérés), le système nerveux, lorsqu’il existe, a une structure réticulée: il s’agit d’éléments cellulaires dont les prolongements, peu différenciés, s’anastomosent de façon lâche et irrégulière, constituant ainsi un réseau à localisation superficielle dans lequel l’influx nerveux circule sans suivre d’orientation privilégiée.

Dans tous les autres cas, les neurones, articulés entre eux d’axone à corps cellulaire, ou dendrite, conservent leur individualité, en sorte que leurs points de contact, ou synapses , ne réprésentent que des niveaux de contiguïté, sans aucune continuité cytoplasmique entre cellules voisines (cf. système NERVEUX - Le tissu nerveux).

Ils constituent ainsi un système d’interconnexions comportant des faisceaux de fibres nerveuses, ou nerfs, qui relient tous les organes du corps à des centres nerveux (ou à des ganglions nerveux). Ces derniers sont des ensembles polyneuronaux, au sein desquels certaines cellules émettent, en direction de la périphérie de l’organisme, les longs prolongements (axoniques) qui seront les fibres des nerfs, sensitives ou motrices, qui assurent l’innervation des organes. Grâce à cette organisation générale, le système nerveux assure trois fonctions fondamentales: réception des stimulus, activation des organes effecteurs (musculaires ou glandulaires), et enfin intégration sensorimotrice. À chacune de ces trois fonctions correspondent des modalités organisationnelles particulières qu’il convient de préciser.

La fonction de réception , c’est-à-dire de sensibilité à un nombre déterminé de catégories de stimulus, implique l’existence de récepteurs, plus ou moins spécialisés, et de voies nerveuses centripètes, ou «afférentes», qui émanent de ces récepteurs.

Lorsque ceux-ci sont en contact avec le milieu extérieur, on les qualifie d’extérocepteurs. Parmi ces extérocepteurs, les uns sont répartis sur l’ensemble de la surface tégumentaire et assurent la sensibilité générale, ou somesthésie. D’autres sont voués à la réception de sensibilités spécialisées, visuelle, labyrinthique, olfactive, gustative, vibratoire et/ou acoustique.

D’autres récepteurs sont situés au sein de l’appareil locomoteur – muscles striés, tendons, articulations. Ils constituent les propriocepteurs; leur mise en jeu est liée à celle de la musculature.

D’autres, enfin, sont localisés dans les organes profonds; la sensibilité correspondant à ces intérocepteurs proviendra, par exemple, des viscères creux, du mésentère, etc.

La fonction de motricité assure l’activité des effecteurs, somatiques ou viscéraux. Chez les Vertébrés, les effecteurs somatiques sont constitués par les muscles striés, tandis que l’on comprend dans les effecteurs viscéraux le myocarde, les muscles lisses et les glandes.

Le système moteur somatique est formé de l’ensemble des neurones moteurs, dits motoneurones , donnant naissance aux voies centrifuges, ou encore «efférentes», qui innervent directement la musculature striée. Le système moteur viscéral, dit également système autonome , végétatif ou sympathique (orthosympathique et parasympathique), innerve les effecteurs correspondants; chez les Vertébrés, cette innervation s’effectue selon un système à deux neurones; l’articulation entre le premier neurone, dit préganglionnaire , et le second, dit postganglionnaire , se situe au niveau d’un ganglion végétatif, qui est extérieur par rapport au système nerveux central. Chez les Invertébrés, dont l’ensemble du système nerveux est de structure ganglionnaire, on désigne, par analogie, comme système autonome l’ensemble des neurones qui innervent les organes de la vie végétative.

Sous le vocable, mal défini mais fort utile, d’intégration , on englobe l’ensemble des opérations complexes que réalise le système nerveux et qui, grosso modo, comprennent aussi bien l’élaboration d’un acte moteur réflexe ou volontaire en réponse à une stimulation sensitive ou sensorielle, que la conservation éventuelle de traces (mémoire), base des apprentissages, et l’aptitude aux abstractions impliquées par l’activité intellectuelle.

Toutes les fonctions ainsi considérées ne sont pas inscrites dans la structure, il s’en faut de beaucoup. Il n’en est pas moins tentant de chercher à interpréter la complexité fonctionnelle progressive du système nerveux dans la série animale par une complexité de plus en plus grande des articulations neuronales. Si, dans les cas les plus simples, les neurones sensitifs atteignent directement les motoneurones (on dira «monosynaptiquement »), il est plus fréquent que ces articulations entre voies afférente et efférente s’effectuent par l’intermédiaire d’un nombre variable d’interneurones (neurones d’association ou neurones internunciaux), substrats supposés de l’«intégration».

L’existence des synapses, les possibilités d’interconnexion ainsi offertes par la présence de neurones courts ont en particulier permis de distinguer plusieurs modalités topologiques d’arrangement d’un système caténaire de neurones d’ordres successifs n , n + 1, n + 2, etc. (fig. 1). Tantôt les chaînes sont linéaires (a ), les neurones se succédant et chaque maillon ne recevant d’information que du neurone qui le précède; tantôt les dispositifs sont convergents (b ), en sorte qu’un neurone d’ordre supérieur est sollicité par plusieurs neurones ou chaînes de neurones d’ordre inférieur; tantôt ils sont divergents (c ), un neurone d’ordre inférieur se distribuant au contraire par collatérales de son axone, à plusieurs neurones de l’étage suivant. À ces systèmes fondamentaux s’en ajoutent d’autres, tels les systèmes récurrents (d et e ), lorsque des collatérales d’un neurone s’articulent avec d’autres, du même ordre ou d’ordre inférieur, ce qui réalise des circuits de «rétroaction» (en boucle fermée).

Il est clair que la combinaison de tels systèmes peut aboutir à des réseaux extrêmement complexes, dont le fonctionnement prête, bien entendu, à toutes sortes de formulations théoriques.

À plus grande échelle, l’examen des circuits de «fermeture» entre afférents et efférents, c’est-à-dire de liaison sensorimotrice, de bas en haut du névraxe, a depuis longtemps conduit à postuler l’existence de «boucles» représentant chacune un niveau du système nerveux central, ces niveaux se superposant et se «contrôlant» hiérarchiquement, de telle sorte que les niveaux supérieurs dominent les niveaux inférieurs (fig. 2). S’il est vrai qu’une certaine anatomie et surtout la clinique neurologique et psychiatrique attachent souvent beaucoup de prix à cette hypothèse des niveaux hiérarchisés, la physiologie reste, dans ce sens, beaucoup plus réservée.

1. Propriétés fondamentales des ensembles polyneuronaux

On ne reviendra pas sur les propriétés élémentaires du tissu nerveux (excitabilité, électrogenèse, conduction de l’influx nerveux) qui ont été traitées ailleurs (cf. ÉLECTROPHYSIOLOGIE, chap. 1; EXCITATION ET EXCITABILITÉ; également système NERVEUX - Propriétés élémentaires du neurone). Elles rendent compte des phénomènes qui siègent et évoluent à l’intérieur du neurone. Les propriétés de «système» d’un ensemble polyneuronique commencent, en revanche, à apparaître, au moment où l’on considère l’articulation de deux neurones (ou synapse) et les mécanismes de transmission de l’excitation qui s’y produisent.

Cette intervention de la synapse revêt deux aspects complémentaires. D’une part, la synapse impose à titre individuel une discontinuité dans les propriétés de base de la chaîne de transmission des influx. D’autre part, les arrangements topologiques précis que permet la discontinuité neuronale font bénéficier le transfert synaptique de certaines particularités.

La transmission de l’influx

On ne décrira pas ici les mécanismes physico-chimiques dont dépend l’aspect individuel de la transmission [cf. SYNAPSES], mais seulement les caractères cinétiques de l’excitation transmise, plus ou moins fidèlement traduits par les phénomènes électrophysiologiques.

Contrairement à la conduction axonale, qui est bidirectionnelle, la transmission synaptique est polarisée, c’est-à-dire qu’elle ne permet le passage de l’influx que dans le sens axonedendrite ou axonesoma.

Cette transmission suppose une chaîne causale qui, dans la grande majorité des cas («synapses chimiques»), se déroule ainsi: l’influx présynaptique (In ) détermine, aux terminaisons, la libération d’un médiateur ou transmetteur (T) qui traverse l’espace synaptique et se fixe sur les récepteurs postsynaptiques R où se produit une dépolarisation plus ou moins prolongée, locale (c’est-à-dire à propagation restreinte), dite potentiel postsynaptique d’excitation (PPSE). La genèse de ce PPSE est liée à une modification de la conductance de la membrane postsynaptique à une espèce ionique au moins. Cette dépolarisation suscitée par le médiateur provoque à son tour la formation d’un ou de plusieurs influx postsynaptiques propagés (In + 1 ). Une telle transmission implique donc un ensemble complexe de mécanismes neurochimiques (synthèse, accumulation et sécrétion d’un médiateur au niveau présynaptique, action de ce transmetteur sur des récepteurs postsynaptiques, destruction ou recapture du transmetteur en excès, etc.), dont chaque chaînon est soit favorisé, soit inhibé par toute une série d’analogues structuraux, ou d’antagonistes du transmetteur, ou de poisons des systèmes enzymatiques mis en jeu [cf. SYNAPSES].

À côté de ces synapses «conventionnelles», articulations axosomatiques ou axodendritiques avec intervention d’un médiateur, existe une autre modalité fonctionnelle ainsi que d’autres types d’articulations. Ainsi sait-on maintenant que certaines jonctions sont à transmission purement électrique, sans intervention d’un médiateur («synapses électriques»). D’autre part, des articulations ont été clairement caractérisées par la microscopie électronique, entre axones et, plus récemment, entre dendrites. Ces contacts axo-axonaux ou dendrodendritiques sont de plus en plus pris en compte dans l’interprétation de la mécanique nerveuse centrale.

La synapse introduit, en outre, des propriétés chronologiques telles que le transfert ne soit pas nécessairement du type 11; un influx dans le neurone présynaptique peut ainsi déterminer une succession d’influx postsynaptiques ou accélérer la fréquence d’une autorythmicité préexistante (cf. système NERVEUX - Propriétés élémentaires du neurone), ce qui révèle l’existence d’une facilitation de la transmission. À cette facilitation peut, dans d’autres cas, faire suite un blocage souvent prolongé de la transmission (période de subnormalité postréactionnelle), dont le substrat électrique est une hyperpolarisation neuronale, dite posthyperpolarisation.

Des propriétés de facilitation à long terme sont également observées. Elles représentent le phénomène qu’il est convenu d’appeler potentiation post-tétanique (PPT): lorsqu’une voie présynaptique est «tétanisée» (tét., fig. 4), stimulée à haute fréquence, pendant un certain temps, le passage synaptique de l’excitation sera subséquemment facilité, cette facilitation pouvant subsister pendant plusieurs minutes (fig. 4). À tort ou à raison, il est fait grand cas, par les théoriciens de la mémoire, de cette possibilité offerte par une synapse de «conserver» la trace d’une excitation.

Enfin, la synapse est capable de phénomènes d’inhibition dont tous les mécanismes possibles ne sont pas actuellement cernés. On objective une inhibition lorsqu’un neurone, supposé activé d’une façon ou d’une autre par une voie (a), est arrêté dans son activité (fig. 5) par mise en jeu d’une voie inhibitrice (i ). Dans certains cas, pour le moins, cette inhibition est sous-tendue par une hyperpolarisation locale de la membrane du neurone (potentiel postsynaptique d’inhibition , PPSI). Tout laisse à penser que là également intervient un transmetteur Ti agissant sur un récepteur particulier Ri du neurone. D’autres inhibitions sont expliquées par un tout autre mécanisme (fig. 6), celui d’une action de la voie (i ) sur l’afférence présynaptique (a). On parle alors d’inhibition présynaptique . Dans ce cas, aucun phénomène électrique particulier n’est décelable au sein du soma du neurone postsynaptique.

Les bases de l’intégration fonctionnelle

À un niveau plus «molaire» de l’échelle structure-fonction, on se propose de comprendre comment s’effectue le transfert dans un agrégat de neurones, qu’il est convenu de considérer comme centre nerveux, que ce centre se situe sur la voie afférente, ou sur le versant efférent, ou qu’il constitue le siège d’une «fermeture» entre afférent et efférent.

La convergence anatomique déjà décrite (cf. supra ) permet à des incitations de sources différentes d’agir sur le même neurone. Sur le plan quantitatif, cette combinaison peut aboutir soit à une facilitation par sommation spatiale , telle que la décharge d’influx résultante soit supérieure à la somme des décharges partielles correspondant à chaque afférence agissant isolément, soit à une occlusion lorsque, au contraire, la décharge résultante est inférieure (fig. 7), et cela selon l’intensité relative des décharges partielles. Au point de vue qualitatif, la sommation spatiale réalise l’une des fonctions les plus importantes des centres, entendons la convergence d’informations d’origines et de modalités différentes en vue d’une «décision» ou d’une action commune.

La portée fonctionnelle des inhibitions est multiple. On choisira un certain nombre d’exemples.

Au niveau des systèmes directement responsables des activités motrices, l’inhibition contribue à l’organisation des contractions musculaires, celle d’un muscle s’accompagnant de l’inhibition de son antagoniste. Telle est l’expression du principe de l’innervation réciproque de C. S. Sherrington (fig. 8), qui, dans la moelle (et dans le tronc cérébral, pour les muscles qu’il concerne), régit l’alternance des activités de fléchisseurs F et d’extenseurs E, ainsi que les inhibitions qu’elle implique.

Au niveau des voies afférentes, on décrit des processus d’inhibition latérale par collatérales et interneurones inhibiteurs. Ceux-ci ont pour effet d’accroître le contraste entre voies parallèles excitées, à des degrés divers, par deux stimulus voisins donnés. Une inhibition latérale existe probablement aussi au niveau de la voie efférente motrice, grâce, ici également, à des collatérales récurrentes et des interneurones inhibiteurs. Une inhibition de ce type a été notée dans la moelle (les interneurones y sont les cellules de Renshaw ), ainsi que dans le cortex moteur pyramidal.

Dans le cas d’un centre réflexe comportant une voie afférente sensitive et une voie efférente motrice, les processus de transfert deviennent alors ceux d’une intégration sensori-motrice d’actes réflexes, concernant directement l’organisation de mouvements stéréotypés sous l’effet de stimulations déterminées, et cela, en particulier, au niveau de la moelle et du tronc cérébral des Vertébrés.

Un certain nombre de centres nerveux développent une activité électrique qui est «spontanée», c’est-à-dire sans cause extérieure déterminée; il s’agit d’oscillations des biopotentiels, d’amplitude et de fréquence variées, de deux à trente par seconde. Si la concomitance de ces phénomènes avec certains processus d’élaboration nerveuse ou certains comportements a été indubitablement prouvée (cf. cycle SOMMEIL - RÊVE-ÉVEIL, par exemple), leur intervention dans la chaîne causale reste à déterminer.

2. Élaborations fonctionnelles

Au-delà des mécanismes fondamentaux, nous essayerons de situer les principales fonctions du système nerveux chez les Mammifères. Dans ce survol, seules des généralités ou des indications schématiques sont, bien entendu, possibles.

L’information sensorielle: transduction, codage et élaboration des messages afférents

Au niveau des récepteurs, les incitations périphériques, proprioceptives ou intéroceptives se transforment en messages afférents. Mais selon quelles lois et selon quels principes?

Comment, tout d’abord, s’opère la discrimination des qualités sensibles? Ici se situe une très ancienne discussion entre les tenants de ce qui reste désigné par la «théorie des énergies spécifiques» (J. Müller), proclamant qu’à chaque qualité fondamentale de la sensation correspond un système particulier de réception, et ceux qui considéraient qu’un même récepteur peut informer de plusieurs qualités selon la configuration du message afférent qu’il envoie. Dans l’ensemble – et sous réserve de difficultés qui tendent parfois à faire invoquer la seconde théorie –, la première façon de voir est habituellement adoptée.

À l’intérieur d’une modalité générale de sensibilité (telle vision ou audition), l’expérience subjective accorde deux attributs à la sensation correspondante, sa qualité d’une part (entre autres, couleur d’une lumière, hauteur d’un son), et son intensité à l’intérieur d’une qualité (lumière plus ou moins intense d’une certaine couleur), d’autre part. Le psychophysicien s’appliquera à déterminer le nombre de récepteurs spécifiques nécessaire et suffisant (selon la loi de Müller) à rendre compte des sensibilités fondamentales. Ce faisant, il écartera volontiers comme étant de nature différente les «édifices perceptifs», ce qui revient à opter pour une certaine conception générale des processus d’appréhension de notre univers sensible (cf. infra ).

Au niveau du récepteur, le stimulus adéquat déclenche un processus de transduction (c’est-à-dire de transformation de l’énergie) tel que l’énergie qui lui est propre soit convertie en un train d’influx; cette transduction s’accompagne du développement d’un phénomène électrique particulier, dit potentiel générateur , qui reste localisé au récepteur.

Le codage de l’intensité d’un stimulus, à l’intérieur d’un continuum de qualité donné, s’effectue par variation de la fréquence des influx du message; l’application du stimulus, pendant un temps donné, détermine toujours en effet une décharge répétitive d’influx, et la fonction fréquence-intensité, bien sûr croissante, peut avoir des expressions mathématiques différentes selon les cas.

Une autre variable du stimulus qui est codée est son décours temporel. Lorsqu’on applique un stimulus long, certains récepteurs, dits récepteurs phasiques , ne répondent qu’à l’installation (et parfois à l’extinction) du stimulus. D’autres récepteurs, dits récepteurs toniques ou à adaptation lente, déchargent pendant toute la durée d’application du stimulus. Ces deux types de récepteurs peuvent coexister à l’intérieur d’un même système sensible, pour la même qualité. Ils apportent aux centres des informations complémentaires quant au stimulus: ses variations instantanées d’une part, sa valeur absolue moyenne, d’autre part.

Dans tout le règne animal, et d’autant plus que l’on s’élève dans la série phylogénétique, il apparaît que la discrimination spatiale ponctuelle est un élément essentiel, qu’il s’agisse de la vision des formes (acuité visuelle) ou du toucher (acuité tactile). Les mécanismes de cette discrimination ponctuelle sont complexes; ils reposent à la fois sur l’organisation spatiale des récepteurs et sur l’articulation dynamique des voies qui en émanent; grosso modo, l’acuité visuelle ou l’acuité tactile dépendent d’une part de la densité des récepteurs le long de la surface réceptrice et, d’autre part, des mécanismes d’inhibition latérale, accroissant le contraste, qui siègent dans les voies ascendantes.

La présence d’une organisation complexe des voies sensitives implique chez les Mammifères une élaboration des messages afférents jusqu’à l’écorce. Tandis que la méthodologie physiologique interventionniste (fondée sur les ablations) et plus encore les données de la clinique laissaient supposer l’existence de tels processus d’intégration au niveau des aires corticales primaires [cf. HÉMISPHÈRES CÉRÉBRAUX], l’exploration électrophysiologique s’est efforcée d’en saisir précisément les étapes sous forme d’une transformation des messages au cours de leur cheminement vers l’écorce.

Pour l’essentiel, on découvre ainsi comment la spécificité des voies afférentes vis-à-vis de telle qualité du stimulus peut se modifier de niveau à niveau. Certaines fois, par jeu de l’inhibition latérale (dans la somesthésie, par exemple), la spécificité spatiale augmente jusqu’à l’aire de projection corticale primaire [cf. SOMESTHÉSIE]. D’autres fois – ainsi en est-il dans l’audition – la spécificité, qui est ici tonale, est maximale dans l’avant-dernier relais (le thalamus), car, au niveau cortical, des convergences secondaires peuvent s’opérer, telles que certaines cellules soient sensibles à certaines configurations tonales. D’autres fois, et c’est le cas de la vision des formes, les cellules précorticales (c’est-à-dire rétiniennes et thalamiques) sont sensibles à des stimulus ponctuels. Les stimulus activant les cellules corticales sont dans tous les cas différents: tantôt ce sont des barres lumineuses (cellules corticales «simples»), tantôt des configurations plus complexes (cellules corticales «complexes» et «hypercomplexes»). De tels résultats sont d’une évidente importance théorique pour une délimitation des opérations corticales [cf. VISION].

L’élaboration des actes moteurs somatiques

Les conditions de la motricité

La motricité somatique doit répondre à deux exigences mécaniques: maintien d’un certain tonus postural d’une part; exécution de déplacements plus ou moins rapides d’autre part. Quelques faits essentiels sont à noter dans ce contexte.

– Le problème de la dualité tonus-mouvement a été diversement résolu selon le type d’organisation animale. Certains Invertébrés ont des muscles purement toniques. Chez les Batraciens, chaque muscle contient des fibres aux propriétés électrophysiologiques particulières, dévolues au tonus. Chez les Mammifères, il existe deux types de fibres musculaires, les unes plus lentes que les autres, mais aux propriétés fondamentales identiques; les motoneurones 見 correspondant à ces deux catégories (respectivement alpha tonique et alpha phasique), diffèrent également, jusqu’à un certain point, par leurs caractéristiques fonctionnelles [cf. TONUS MUSCULAIRE].

– Un mouvement suppose, en principe, l’inhibition des muscles antagonistes. C’est dans ce contexte que s’inscrivent évidemment les schémas de l’innervation réciproque tels qu’ils se dégagent de l’étude détaillée des réflexes. Toutefois la réalité n’est pas toujours aussi simple; les nécessités du mouvement et de sa gradation impliquent maintes fois de subtiles «cocontractions», l’antagoniste agissant en frénateur de la contraction de l’agoniste.

– Tout mouvement implique un programme d’action mais également un contrôle en feed-back , c’est-à-dire une information «en retour» concernant le déroulement même de l’opération motrice. Cette information est, pour l’essentiel, soit somesthésique (en particulier, proprioceptive), soit visuelle, soit, plus rarement, acoustique [cf. MOTRICITÉ].

Les niveaux d’élaboration de la motricité

Il n’est pas possible de reprendre ici l’examen des divers niveaux d’organisation de la motricité somatique [cf. MOTRICITÉ]. Rappelons qu’à la base on situe – à tort ou à raison – les réflexes somatiques, mises en route organisées de contractions musculaires sous l’effet d’impressions somesthésiques d’origine cutanée (réflexe de flexion), proprioceptives (réflexes myotatiques), ou intéroceptives viscérales. Au-delà, on essaye d’identifier les niveaux successifs d’«élaboration» de mouvements et de «régulation» du tonus postural en analysant telle ou telle influence exercée par divers centres nerveux sur les motoneurones sous-jacents: celle de la formation réticulée, qui semble moduler l’ensemble des réflexes et du tonus; celle du cervelet, particulièrement importante pour la régulation tonique et pour les mouvements intentionnels; celle du labyrinthe de l’oreille interne, qui assure la régulation de l’équilibre; celle des systèmes striés, dont le dysfonctionnement affecte à la fois le tonus et le mouvement; celle, enfin, du cortex moteur, zone d’origine du tractus pyramidal et d’autres voies dites extra-pyramidales qui atteignent, plus ou moins directement, les motoneurones terminaux.

La méthodologie d’analyse de la motricité reste encore très dénuée de moyens. Très souvent les actions supraspinales sont identifiées par leurs effets sur les réflexes. Or, s’il est vrai que la composante de base du tonus postural est le réflexe myotatique, il n’en va probablement pas de même des mouvements volontaires qui n’ont avec le réflexe de flexion qu’un lointain rapport. La clinique neurologique a développé, de son côté, à propos justement de la motricité, la notion de niveaux hiérarchiques d’organisation. Enfin, et surtout, l’on s’interroge encore et l’on sait mal comment et où s’effectue la «programmation» d’un geste élaboré intentionnel: les contractions musculaires, suscitées par stimulation électrique des structures motrices (en particulier le cortex moteur), n’ont, par leur caractère partiel et inorganisé, rien de commun avec un mouvement élaboré. On en est donc réduit aux hypothèses: le mouvement est-il programmé dans le cortex moteur? ou bien dans les territoires «associatifs»? ou à des niveaux profonds commandant l’aire motrice? Cette dernière hypothèse – du «centrencéphale» comme organisateur essentiel du mouvement –, due à Penfield, est elle-même dérivée du concept de système réticulaire activateur ascendant (cf. infra ). Elle ne retient plus guère l’attention.

Les régulations végétatives et leur incidence sur le comportement

Outre son rôle dans le domaine si apparent et tangible qui est celui de la motricité somatique, le système nerveux a pour fonction de régler une série d’activités concernant les muscles lisses, les tissus glandulaires et le myocarde, domaines de la vie de nutrition. On se bornera, ici encore, à quelques généralités, puisque le système autonome comporte en fait deux parties différemment organisées, constituant le système orthosympathique et le système parasympathique. En règle générale, les viscères profonds reçoivent une innervation de chacun de ces systèmes, et ces innervations ont, en principe, des actions antagonistes. Toutefois, ces actions sont plus modulatrices que franchement motrices; la plupart des effecteurs viscéraux, tel le cœur, bénéficient d’un automatisme fondamental (ce qui n’est jamais le cas du système somatique).

À faire le bilan des actions de l’un et de l’autre système, on s’aperçoit que l’orthosympathique est un système permettant à l’organisme de s’adapter à des conditions particulières de l’action et de l’urgence; il est dit ergotrope . En revanche, le parasympathique intervient dans les fonctions de nutrition et le métabolisme; on parle de système trophotrope .

C’est ainsi que relèvent du parasympathique :

– le péristaltisme du tube digestif et les processus d’évacuation;

– une certaine régulation homéostatique de la pression artérielle, telle qu’une hypertension accidentelle soit immédiatement corrigée par une bradycardie et une vasodilatation (réflexe viscéro-viscéral avec pour récepteurs les barorécepteurs spino-carotidiens et aortiques);

– une régulation homéostatique de la respiration, telle qu’une anoxie déclenche une hyperventilation (par intervention des récepteurs chimiques ou chémocepteurs).

Sont du domaine orthosympathique :

– des ajustements circulatoires exigés par le mouvement (hypertension et tachycardie);

– les manifestations végétatives de l’émotion brutale accompagnant l’attaque ou la défense (ouverture de la pupille ou mydriase, hypertension, piloérection...).

D’autres mécanismes ne relèvent pas si clairement de l’un ou l’autre système, mais d’une participation variable des deux: l’orgasme (érection-éjaculation), chez le mâle, constitue une activité mixte, orthosympathique, puis parasympathique; bon nombre de phénomènes traduisant l’émotion sont mixtes et même parasympathiques (rubéfaction, larmes); enfin, les mécanismes de la thermorégulation des homéothermes (thermolyse ou perte de «chaleur», thermogenèse ou gain de «chaleur») ne sont pas purement ou de l’un ou de l’autre domaine.

L’étude des mécanismes végétatifs ne s’arrête pas à celle des régulations qui viennent d’être mentionnées. Car les centres supérieurs dont ils dépendent (hypothalamus et rhinencéphale, en particulier) règlent, en fait, non des réactions partielles, mais des comportements organisés dans lesquels interviennent des composantes somatiques et auxquels participent des mécanismes humoraux et endocriniens, et cela à travers l’axe hypothalamo-hypophysaire. Ces comportements, engendrés par des besoins (faim, soif, besoin sexuel, nidification), sont considérés comme instinctifs (recherche de nourriture, de boisson, du partenaire) et cessent lorsque le besoin est satisfait et que la motivation spécifique correspondante devient absente.

Au carrefour des régulations somatiques et végétatives se situe celle du niveau de vigilance et, par conséquent, du sommeil; l’orthosympathique domine pendant la veille active, le parasympathique pendant le sommeil. On n’ignore plus (cf. cycle SOMMEIL - RÊVE-ÉVEIL) qu’un «centre» de la vigilance est situé au niveau de la formation réticulée du tronc cérébral; mais le sommeil n’est pas simplement dû à une déconnexion de ce centre de l’éveil: il implique des mécanismes actifs dont la localisation reste incertaine, pour les uns dans des structures antérieures télo-diencéphaliques (région pré-optique, hypothalamus antérieur), pour les autres à des niveaux plus postérieurs (noyau du raphé, locus cœruleus ).

Apprentissage et mémoire

Une des propriétés fondamentales du système nerveux (et il ne s’agit pas là uniquement de celui des Mammifères) est la plasticité, c’est-à-dire la conservation des traces, ou, si l’on veut, de son histoire antérieure. C’est à cette propriété fondamentale de mémorisation qu’on attribue la constatation que le comportement d’un organisme peut être modifié progressivement lorsqu’un certain stimulus est répété.

Ce stimulus sera d’abord nouveau pour l’organisme et déclenchera initialement une réaction d’orientation ou d’identification de l’insolite; se répétant sans interférer avec l’activité de l’organisme, ce stimulus perd progressivement sa valeur de nouveauté, l’individu s’habitue et cesse de réagir: c’est là le processus de l’habitation.

D’autres fois un stimulus, d’abord neutre, devient le signal d’un autre stimulus qui, de la part de l’organisme, évoque une réaction soit d’approche (nourriture), soit de fuite et d’évitement (défensive). Progressivement, la réaction positive d’approche, ou négative de fuite, sera déclenchée dès l’application du signal. Cette anticipation de la réaction motrice constitue un des aspects fondamentaux de tous les apprentissages et conditionnements. Elle implique, évidemment, un transfert de signification du signal et, de ce fait, un processus de trace mnémonique. Cela posé, les modalités de conditionnement (dans la méthodologie pavlovienne) et d’apprentissage (dans celle des écoles américaines) varient à l’infini, et, pour une étude, même succincte, des diverses catégories d’apprentissage et des opérations qu’elles impliquent, nous renverrons le lecteur à l’article APPRENTISSAGE.

Sur le plan des mécanismes nerveux de la mémoire et des concepts que supposent leur recherche et leur étude, on se limitera à deux remarques:

– On s’interroge encore (et l’on s’interrogera longtemps peut-être) au sujet des mécanismes qui sous-tendent la conservation des traces. Les analyses des fonctions mnémoniques chez les Mammifères sont grevées d’insurmontables difficultés, du fait d’un inévitable conflit entre les tenants d’une «localisation» de la mémoire, qui citent, par exemple, les cas indubitables d’amnésie après lésions de l’hypothalamus postérieur ou du rhinencéphale chez l’homme, et les partisans d’une «non-localisation» de la trace elle-même, dont la conservation serait un attribut fondamental et général des synapses.

Pour expliquer la fixation des traces, on a proposé divers mécanismes, en partie mis en évidence expérimentalement sur des préparations plus simples qu’un cerveau de Mammifère et en partie imaginés. Ils vont de la potentialisation post-tétanique (cf. supra ) à des modifications morphologiques des synapses (croissance de terminaisons, ce qui est une théorie fort ancienne), en passant par toutes les hypothèses de «microcircuits» entretenus (jamais démontrés), d’une accumulation de transmetteurs (tout aussi problématique), ou encore de modifications structurales des protéines et de l’ARN (hypothèse moderne, séduisante, mais qui attend encore ses preuves définitives).

Les théories de l’apprentissage et du conditionnement les plus classiques, qu’il s’agisse du béhaviorisme américain ou des théories pavloviennes, se sont essentiellement fondées jadis sur une conception «réflexologique» du comportement, avec pour structure de base de celui-ci le couple stimulus-réponse, auquel tout comportement pourrait se réduire, en quelque manière. D’autres interprétations sont toutefois progressivement venues se substituer à ces vues traditionnelles. En accordant de l’importance aux opérations internes interposées entre le stimulus et la réponse, et qualifiées de processus «médiationnels», «d’attente» ou de «variables intermédiaires», elles devaient tout naturellement orienter des recherches vers les mécanismes nerveux du comportement et justifier, mieux que ne le faisait l’ancienne «réflexologie», l’exploration physiologique de ces mécanismes.

Mécanismes gnosiques et praxiques: associations et conduites intellectuelles

Les conduites des animaux supérieurs et de l’homme, en particulier le comportement «intelligent», impliquent d’une part la reconnaissance du monde extérieur, c’est-à-dire le processus gnosique de la perception, et, d’autre part, une séquence ordonnée de gestes constituant une conduite organisée et finalisée, ou praxique .

Les processus gnosiques ont suscité des discussions théoriques et des constatations expérimentales ou cliniques. Sur le plan théorique, il y a longtemps que l’on juge la perception comme la résultante d’une élaboration «secondaire» à partir des données élémentaires de la sensation «brute». Cette conception née de l’associationnisme psychologique a été transcrite en termes d’opérations corticales, en postulant l’existence d’aires d’association , dites aussi psychosensorielles ou gnosiques plus ou moins proches des aires sensorielles réceptrices et où s’élaborerait précisément la reconnaissance du monde sensible.

Il en va de même des processus praxiques : la conception d’actes complexes et finalisés s’effectuerait elle aussi, au niveau d’aires associatives, qui au demeurant ne sont pas nécessairement toujours distinctes des aires gnosiques.

Actuellement, les résultats de l’observation clinique humaine (déficits postlésionnels) et, dans une certaine mesure, ceux de l’expérimentation animale étayent pour l’essentiel confortablement cette conception des opérations mentales complexes. On se reportera à cet égard aux chapitres spécialisés correspondants.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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